Choses lues, choses vues…

Escaliers en marbre marqués par le passage, grands bâtiments aux intérieurs voûtés et sculptés, pas de doute, nous sommes à la Bibliothèque Nationale de France, site Richelieu. La salle Labrouste, qui accueille l’exposition / installation d’Alain Fleischer, est l’ancienne salle des bibliographies. C’est une immense pièce au plafond formé de neuf coupoles, et dont l’éclairage tamisé invite à la discrétion.
L’exposition part du principe que « Lorsqu’on lit un livre, on associe inévitablement ce que l’on lit, et ce que l’on a autour de soi […] puisque l’on lit partout, et particulièrement à l’extérieur des bibliothèques. » (Alain Fleischer).
Sur chacune des tables de travail, placées perpendiculairement à l’allée centrale, sont disposées des boîtes, laissant échapper un vague murmure. Ces boîtes, ces coffrets « semblables aux pupitres d’écoliers », aux capots délibérément opaques, cachent des écrans vidéos (un peu plus de quatre-vingt) utilisés ici pour faire entendre les livres : chaque écran montre en effet une personne (célèbre ou non) lisant un livre de son choix, dans l’endroit de son choix. Chacun finalement se présente comme un livre fermé, qui n’attend que la curiosité du lecteur / spectateur pour se faire entendre, ils sont comme autant de livres sans couvertures attendant le lecteur. Vous pourrez ainsi écouter Arnaud Laporte lire un passage du Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline, ou un passage des Fictions de Jorge Luis Borges lu par Alain Tapie. Toutes les lectures sont faites en français, et toutes les variantes du français sont représentées : un passage de Kamouraska,de A. Hébert, sera ainsi lu par Monique Regimbald-Zeiber en québécois, ou les Contes libertins du Maghreb de Nora Aceval lus par Sabah El Jabli. Un vaste répertoire d’œuvres littéraires est ainsi passé en revue, allant de J. D. Salinger à Marcel Proust, en passant par Edgar Allan Poe, Jack Kerouac ou Antonin Artaud.
Toutes les quatorze minutes (deux cycles de lecture), ces écrans s’éteignent, et l’éclairage change le temps de se déplacer vers l’allée centrale, au fond de laquelle un écran se déploie. Performances théâtrales, extraits de films, extraits de travaux vidéos sont ainsi projetés durant quelques minutes, proposant des réflexions sur la lecture et sur le médium livre.
À travers les divers médias proposés, c’est bien sûr une réflexion sur la lecture au sens large qui est proposée : qui lit quoi, où et comment ? La sérendipité du lecteur (qu’il soit en bibliothèque, en librairie, chez un bouquiniste), sa curiosité, sont mises en avant et même sublimées, grâce notamment à cette ingénieuse mise en place des « livres sans couvertures » : difficile de ne pas ouvrir l’un de ces coffrets au passage, difficile de ne pas écouter et visionner ces lectures jusqu’à la dernière image, jusqu’au dernier son.
Cette exposition est en place depuis le 23 octobre 2009, et le sera encore jusqu’au 31 janvier 2010.
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site de la B.N.F., mais aussi participer sur le blog des lecteurs à cette adresse.